Comment se servir du silence en entretien d’embauche
Être recruté sans parler ? Pas tout à fait mais presque. Sans s’enfermer dans le mutisme, quelques pauses dans son discours ne nuiront pas au candidat, bien au contraire.
-Se taire pour écouter
Évidemment, tout dépend qui se tait. « Il y a plusieurs type de silences, analyse Karine Averseng, fondatrice de l’agence Kosy et spécialiste en gestion de l’image. Chez le recruteur déjà, il peut y avoir un silence d’incompréhension, où l’interlocuteur fronce les sourcils ou le front. » Mais encore faut-il le voir. « À cause du stress ou de l’enjeu, beaucoup de candidats parlent trop et ont tendance à "remplir" l’espace, poursuit l’auteure du guide Ces 5 minutes qui comptent dans un entretien d’embauche. Or, ils auraient davantage intérêt à se taire pour privilégier une écoute plus active et accueillir le silence. Il ne faut pas hésiter à se taire et à demander au recruteur s'il y a quelque chose qu’il n'a pas compris. Sur la forme, c’est valorisant pour la qualité de la communication, et sur le fond, cela permet de crever des abcès ou d’éviter des malentendus. » « Écouter, voir et comprendre son interlocuteur, insiste Yves Maire du Poset, auteur du guide Réussir votre entretien de recrutement. C’est une des règles d’or de l’entretien de recrutement. Visez plutôt l’empathie, soyez observateur, plein d’attention à tout ce qui se passe et synchronisez-vous. »
"C’est une façon de donner de la densité à son discours en évitant des mots parasites que l’on prononce facilement pour meubler."
-Se taire pour donner du poids à son propos
« La voix et la façon dont on l’utilise ou pas, sont d’immenses éléments d’influence », confirme Lionel Bellenger. Ce formateur, auteur du guide Des prises de parole captivantes et fondateur du cabinet IBEL, invite les candidats à bien gérer leurs silences et à doser des pauses à des moments clés. « Les recruteurs ne seront pas perturbés par un silence. Un silence peut donner l’impression que l’on réfléchit à une réponse plutôt que de réciter. Il peut aussi valoriser une idée importante quand on parle d’une compétence. Enfin, c’est une façon de donner de la densité à son discours en évitant des mots parasites que l’on prononce facilement pour meubler. Il faut varier les débits : rapide et vivant quand on raconte une anecdote par exemple, puis parler plus lentement, et carrément se taire quand on veut s’attarder sur une information ou une analyse. Alors, le silence n'est pas négatif, bien au contraire. »
-Se taire pour laisser son corps parler
En même temps, pourquoi parasiter son discours avec des mots quand son corps peut parler à sa place ? « Près de 80 % de nos échanges passent par des canaux non-verbaux », rappelle Martine Herrmann, formatrice et directrice de l’Institut européen de la synergologie. Pour cette spécialiste du langage corporel, si un candidat est sincère et enthousiaste, le recruteur le sentira au-delà des mots, dans sa posture davantage que dans son discours. « Il existe des signes qui ne trompent pas, explique-t-elle. Si le corps de l’intéressé se penche vers l’avant par exemple, c’est là le signe qu’il se projette vers l’autre, comme quand ses mains s’animent et qu’on voit plus ses paumes. De même, quand il tourne la tête vers la droite pour montrer son profil gauche, le recruteur peut y voir un signe d’écoute et de sentiments chaleureux. »
-Se taire pour se donner une contenance
« Une bonne impression peut aussi naître dans un silence », abonde Judith Tripard, consultante au sein du cabinet de recrutement Clémentine. Mais rien n’empêche d’avoir quelques arrière-pensées un peu plus stratégiques. « Si on est stressé ou un peu désemparé par une question, plutôt que de bafouiller, se taire quelques instants et prendre des notes est une bonne idée, poursuit cette experte. Non seulement cela donne une contenance, mais cela peut aussi fournir un gage de sérieux et d’intérêt pour le poste en question. »
-Se taire pour mieux négocier
Car le silence peut être aussi un outil efficace au moment clé d’une négociation, quand il s’agit de parler salaire ou horaires par exemple. « Si le recruteur vous fait une proposition, ne vous empressez pas d’y répondre », recommande Yves Maire du Poset. Une tactique éprouvée par les commerciaux consiste à noter un chiffre ou une proposition sur une feuille sans prononcer un mot. Voire, si on peut, en prenant un petit air dubitatif. « Cela ne marche pas à tous les coups, mais selon la motivation du recruteur, il arrive que certains meublent ce silence et revoient d’eux-mêmes, un peu, leur proposition à la hausse. »